Le point culminant de la récolte
Octobre représente un moment charnière pour la filière choucroutière française. C’est le point culminant d’un cycle qui a commencé dès le printemps. La récolte intense des choux à choucroute atteint son paroxysme, suivie immédiatement par une mise en cuves massive.
En automne, les champs de choux offrent leur plein potentiel. Après des mois de croissance, les choux à choucroute atteignent leur maturité optimale. Ils doivent être bien fermes, peser au minimum 6-8 kilos, présenter une légère coloration jaune sur le dessus, avec une forte teneur en sucre et peu de fibres ligneuses.
Les volumes récoltés doivent être suffisants pour remplir les cuves et garantir la production annuelle. Le ballet des bennes livrant chaque jour du chou à nos choucroutiers est intense : répartis dans les quatre grandes régions productrices de choucroute française, ils reçoivent en moyenne plus de 800 tonnes de choux quotidiennement durant cette période. Une bonne récolte d’octobre est la promesse d’une choucroute de qualité, disponible tout au long des douze prochains mois.
Les cuves de fermentation se remplissent
À peine récoltés, les choux sont transformés : étrognés, parés, coupés en fines lanières, puis salés et placés en cuves de fermentation. Au fil de la récolte, les cuves se remplissent, et l’humidité caractéristique du début de l’automne prévient le dessèchement des légumes tout en assurant une fermentation régulière. Cette étape repose sur un savoir-faire transmis de génération en génération, qui permet de conduire le processus avec rigueur et constance.
Le climat tempéré de l’automne offre des conditions idéales : des températures modérées garantissent une fermentation progressive et maîtrisée. Car en effet, des températures trop froides, ralentissent le processus et si elles sont trop élevées, elles risqueraient de compromettre la qualité du produit. L’équilibre thermique propre à cette saison favorise ainsi une choucroute homogène, savoureuse et parfaitement maîtrisée.
La transformation chimique : du chou à la choucroute
Mais que se passe-t-il concrètement dans les cuves après la livraison et le conditionnement du chou ?
La véritable métamorphose s’opère grâce à la fermentation lactique, un phénomène entièrement naturel et spontané. Ce processus biochimique, réalisé en milieu anaérobie (sans oxygène), ne nécessite aucun ensemencement artificiel. Ce sont les bactéries lactiques, naturellement présentes dans le chou, qui entrent en action.
Ces micro-organismes se nourrissent des sucres (principalement le glucose) contenus dans les lanières du chou, les convertissant en acide lactique. Cette acidification progressive est le cœur du processus.
L'acide lactique : conservateur et exhausteur de goût
L’acide lactique est l’acteur principal de la fermentation. Il abaisse drastiquement le pH du chou, créant un milieu acide qui est hostile à la prolifération des micro-organismes indésirables (levures et moisissures). Il agit ainsi comme un conservateur naturel extrêmement efficace, garantissant une conservation longue et sûre, et ce, sans aucun additif ni chauffage.
Parallèlement à son rôle sanitaire, cet acide confère à la choucroute son goût acidulé, sa finesse aromatique et sa texture ferme et croquante si caractéristique. C’est la durée de cette fermentation, qui s’étend sur plusieurs semaines voire quelques mois selon les conditions de température, qui détermine l’équilibre final entre acidité et saveur
Un légume fermenté, riche en bons nutriments
Le processus de fermentation lactique, qui assure la longue conservation de la choucroute issue du chou récolté au cours de l’année, est l’héritage d’une nécessité historique. Le chou fermenté existe depuis l’Antiquité, consommé à la fois en Asie et en Europe de l’Est. Sa capacité à se conserver durablement, sans additif, et sa richesse en vitamines essentielles en ont fait un aliment précieux à travers les siècles.
Aujourd’hui, en transformant le chou, nos choucroutiers perpétuent cette tradition millénaire.La choucroute conserve les mêmes qualités nutritives qui en faisaient la nourriture idéale des guerriers nomades et, plus tard, l’alliée des marins contre le scorbut grâce à sa vitamine C. Aujourd’hui, elle reste un patrimoine alimentaire précieux et bénéfique.
© Crédits photos : Choucrouterie André Laurent